Des exils et de bien autre chose.
Des exils et de bien autre chose.
oleh Sam De Profundis @ssalim
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Il ne comprenait pas un traître mot d’arabe, cet arabe là que les maghrébins qu’il croisait souvent à Paris ou ils vivaient tous les deux, ne prononçaient jamais. Il lui demanda de lui traduire la chanson de Marcel Khalifa. Aucun des mots chantés ne lui étaient familier. Il le lui demanda, une main effleurant avec douceur sa chevelure noire et bouclée qui faisait d’elle la raison intime de tant de désir.
Cette chanson passait en boucle dans leur appartement. Il trouvait la musique très belle délicieusement exotique ne ressemblant en rien à celle d’Oum Keltoum que tous leurs amis, des intellectuels, adulaient et que lui trouvait ennuyeusement mièvre et péniblement pleurnicharde. Le Oud de Marcel Khalifa était enjoué et la musique qui s’en déversait était légère. Les paroles chantantes semblaient elles aussi si belles. Belles comme l’odeur de jasmin qui flottait dans leur séjour et même comme la touche de ce Misk Ellil rencontré là-bas à Beyrouth en même temps que le regard de celui qu’il aime tant. Misk ellil embaumait et colorait tout le quartier de Mar Michael… et Fairouz couvrait de sa voix le brouhaha des fêtards des nuits insouciantes d’un orient où il fait bon vivre et... l’on pouvait lire grandement affiché « en été à Beyrouth, la nuit n’est pas faite pour dormir ».
“Que dit cette chanson ?
Elle parle d’amour ! D’exil et de poésie ! Lui répondit-il.
Tout comme le brin d’herbe qui pousse dans l’entremisse du rocher,
Nous étions ensemble, deux exilés.
Le ciel du printemps composait des étoiles à l’infini.
Et moi je composais des vers d’amour que je déclamais pour tes yeux !
Pour tes yeux je chantais mes vers d’amour.
Sa grande culture de professeur de littérature à la fac, lui permit de dire doctement : "Je comprends le sens mais ce n’est pas aussi beau que je le pensais, c’est presque du n’importe quoi comme paroles !"
Silence …
L’aimait-il vraiment ? N’avait-il pas dit, au delà de ce ” n’importe quoi”, jetée comme jetterai une courtisane la rose qu’elle reçu d’un fade admirateur, que sa culture et la poésie de sa langue était plus belle plus raffinée et plus subtile. Que dans sa culture l’amour était dit avec tant et tant de belles métaphores. N’avait-il pas encore une fois affirmé la platitude de l’esprit de l’homme oriental…
Mais… en disant cela n’avait-il pas perçu chez son ami tant aimé, ce trouble qui ajoutait à sa beauté une touche si émouvante ! ? et lorsque le oud vibrait…ce frisson.
N’avait-il pas perçut la douleur de l’exil qu’exprimait ce regard humide à peine débordant, ce hérissement de poils à peine perceptible et… ce frisson.
N’était-ce donc point l’histoire d’un exil forcé par amour que cet éminent littérateur ne percevait pas. Ne voyait-il pas que Paris ne valait pas grand chose comparé au café siroté à Al Hamra. N’entend-il pas l’accent chantant de la vielle dame chrétienne qui lui disait chaque matin « marhabtine Habibi » lorsqu’il venait prend son pain. Ce n’est pas le pays qui lui manque et qu’il a laissé derrière lui pour son amour … ce qui lui manque c’est le sourire enjoué de la vielle chrétienne, la voix de Fairouz qui chante « habaytek », le regard troublé et silencieux de ce beau chiite qu’il croisait tous les matins en allant au collège Saint François de Salle… C’est L'arak qu’il n’a plus jamais siroté depuis sa venue à Paris, c’est tous ces beaux garçons laissés là-bas, viriles à la dabka et si tendre lorsqu’ils embrassent…
Le soir en rentrant de la fac, le lieu où il professait la grandeur de sa culture et sa gradeur en filigrane, il trouva un billet sur le lit.
Sans le lire il comprit après avoir entendu le silence de l’autre soir, qu’il y avait écrit : "Je te quitte, je m’en vais au gré du vent chercher un exilé comme moi, qui pleure de me voir pleurer au son du oud de mon pays…".

1 komentar
Kepadamu @Shaun Levin guruku atas apa yang kau ajarkan padaku...
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